Nous sommes sensibles aux préoccupations qui ont été soulevées depuis sa nomination, mais le défi qu’elle doit relever est de taille et nous sommes d’avis qu’il faut donner la chance à Madame Elghawaby d’exercer et de remplir le mandat pour lequel elle a été nommée
, écrivent la trentaine de signataires dans une lettre envoyée aux médias vendredi matin.
En plus de Charles Taylor et de Julius Grey, la lettre est signée par Boufeldja Benabdallah, cofondateur et porte-parole de la Mosquée de Québec, de même que par le philosophe Michel Seymour et la journaliste Anne Lagacé Dowson.
Nous sommes prêts à contribuer à un dialogue constructif entourant ces enjeux complexes et sensibles et nous nous engageons à combattre tous les préjugés, quels qu’ils soient
, poursuivent-ils.
Dans la foulée de la levée de boucliers qu’a suscitée sa nomination la semaine dernière, Amira Elghawaby, a présenté des excuses mercredi. Des excuses qui n’ont convaincu ni le gouvernement de la Coalition avenir Québec (CAQ) ni le Bloc québécois, qui réclament sa démission.
En 2019, l’ancienne chroniqueuse écrivait au sujet de la Loi sur la laïcité de l’État, la loi 21
, que la majorité des Québécois [semblaient] influencés […] par un sentiment antimusulman
. Des propos qualifiés d’odieux
et d’inacceptables
par le ministre québécois Jean-François Roberge.
Madame Elghawaby s’est excusée “sincèrement” pour “la manière dont ses mots ont blessé” les Québécois. Elle a aussi exprimé le désir de poursuivre le dialogue dans le but d’échanger et “d’apprendre”. Plusieurs rencontres avec des leaders politiques québécois sont prévues dans les jours à venir
, lit-on dans la lettre.
La lettre est l’initiative de la chercheuse indépendante Miriam Taylor et de Jack Jedwab, président de l’Association d’études canadiennes, qui ont recueilli une trentaine de signatures en une journée.
La controverse est devenue tellement chaude, je m’inquiétais de deux choses qu’on perdait de vue. D’abord, l’importance de ce poste, car l’islamophobie existe partout à travers le monde occidental. […] Ensuite, étant donné le ton du débat au Québec, j’ai vu remonter la haine envers les musulmans sur les médias sociaux
, explique à Radio-Canada celle qui est aussi conseillère spéciale en relations communautaires à l’Institut Metropolis, situé à Montréal.
On est contre la culture de l’annulation. On a permis à des politiciens de s’excuser de propos blessants lorsqu’ils étaient en fonction, alors donnons une chance à Mme Elghawaby
, estime-t-elle.
L’été dernier, Miriam Taylor était la chercheuse principale d’une étude qui révélait les conséquences négatives de Loi sur la laïcité de l’État auprès de la communauté musulmane, notamment de la dégradation de leur sentiment de sécurité dans les lieux publics.
Une situation qui dérape
En entrevue à La Presse Canadienne, l’un des signataires, l’ex-président de la grande mosquée de Québec Boufeldja Benabdallah, a exhorté le premier ministre François Legault à lancer un appel au calme. Selon lui, la situation a complètement dérapé
. Mme Elghawaby a fait une gaffe
et il faut tourner la page
, estime-t-il.
Tout va se retourner contre nous, nos enfants à l’école, la crainte, la peur, les insultes. On a commencé déjà à recevoir des insultes, des gens que je connais depuis très longtemps, très virulentes
, a-t-il affirmé.
On est en train de casser le bois sur le dos d’une petite population. Ce n’est pas nous qui sommes le problème; nous avons hérité des situations difficiles, alors que nous sommes là pour construire la paix
, a-t-il ajouté.
Les signataires :
- Charles Taylor, philosophe, professeur émérite, McGill
- Jack Jedwab, président, Association d’études canadiennes
- Julius Grey, avocat, expert en droits constitutionnels et humains
- Samira Laouni, présidente fondatrice, COR
- Michel Seymour, philosophe
- Boufeldja Benabdallah, cofondateur et porte-parole de la Mosquée de Québec
- Linton Garner, activiste et intervenant communautaire
- Ehab Lotayef, activiste communautaire, poète, responsable informatique
- Anne Lagacé Dowson, journaliste indépendante et commentatrice
- Frank Baylis, Président,
Non à la loi 21
- Eric Maldoff, C.M., Ad. E., Partner, Lapointe Rosenstein, Marchand, Melançon
- Joel DeBellefeuille, directeur général, fondateur, Coalition rouge inc.
- Alain Babineau, Directeur, Profilage racial et sécurité publique, Coalition rouge
- Ève Torres, activiste communautaire
- Fareed Khan, fondateur, Canadians United Against Hate
- Ndeye Marie Fall, ancienne haute fonctionnaire à l’UNESCO et présidente, Collectif pour la promotion du patrimoine immatériel en Francophonie (CPPIF)
- Miriam Taylor, chercheure indépendante, conseillère spéciale en relations communautaires, Institut Metropolis
- Lori Schubert, directrice générale, Quebec Writers’ Federation (QWF)
- Nargess Mustapha, militante et organisatrice communautaire
- Samaa Elibyari, Conseil canadien des femmes musulmanes, Montréal
- Toula Drimonis, chroniqueuse et auteure indépendante
- Hassan Guillet, ingénieur et avocat à la retraite
- Geoffrey Chambers, activiste communautaire
- Kerline Joseph, vice-présidente, Comité international d’orientation-CIO, Chaire Unesco Femmes et sciences pour le développement en Haïti
- Moayed Altalibi, organisation islamique AHL-ILL BAIT
- Andrew Caddell, groupe de travail sur la politique linguistique
- Eric Pouliot-Thisdale, recherchiste Département d’histoire UdeM
- Éric Émond, philanthrope, intervieweur
- Mohammed Labidi, leader communauté musulmane de la ville de Québec
- Susan Pinker, psychologue, chroniqueuse