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Québec solidaire sur la défensive dans l’affaire Elghawaby

by | Feb 1, 2023 | Uncategorized


Québec solidaire (QS), qui s’est abstenu mardi de se prononcer en faveur d’une motion exigeant sa démission, se retrouve sur la défensive en raison de cette prise de position, d’autant que toutes les autres formations représentées au Parlement ont voté pour.

En point de presse mercredi matin, le Parti québécois (PQ) a notamment accusé le second groupe d’opposition de manquer de solidarité.

En s’abstenant de voter pour la motion réclamant le départ de Mme Elghawaby, QS contribue à diminuer le rapport de force de l’Assemblée nationale, a souligné le chef péquiste Paul St-Pierre Plamondon.

Selon lui, les députés solidaires souhaitent ménager les militants plus radicaux du parti à l’approche de son congrès de février, jugeant que ceux-ci partagent très probablement les opinions de Mme Elghawaby sur l’islamophobie.

« Québec solidaire s’adresse à des factions à l’intérieur du parti qui sont très militantes et qui sont très promptes à dénoncer toutes les injustices, sauf lorsque ce sont des injustices vécues par le Québec. C’est comme si, pour certains groupes très militants, défendre le Québec, ce n’est pas une recherche de justice légitime. »

— Une citation de  Paul Saint-Pierre Plamondon, chef du PQ

Le chef par intérim du Parti libéral du Québec (PLQ), Marc Tanguay, reproche aussi à QS de ne pas avoir d’opinion sur un dossier excessivement névralgique qui fait rage depuis plusieurs jours maintenant. Selon lui, le second groupe d’opposition est assis sur la clôture dans ce dossier.

M. Tanguay reproche à QS de faire campagne dans Saint-Henri–Sainte-Anne en répétant qu’il faut respecter les droits protégés par la Charte canadienne des droits et libertés, alors que le parti milite pour que le Québec s’affranchisse du Canada et de sa Constitution, dans laquelle est justement enchâssée la Charte.

Le malaise est palpable, soutient le chef du PLQ. Gabriel Nadeau-Dubois, est-ce qu’il est pour ou contre la Charte canadienne des droits et libertés? Sol Zanetti, est-ce qui est pour ou contre la Charte canadienne des droits et libertés?

Amira Elghawaby.

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Le nomination d’Amira Elghawaby à titre de représentante spéciale de la lutte contre l’islamophobie du gouvernement fédéral alimente la controverse depuis plusieurs jours maintenant.

Photo : La Presse canadienne / Jacques Boissinot

En entrevue à l’émission montréalaise Tout un matin, sur ICI Première, le co-porte-parole de QS Gabriel Nadeau-Dubois avait auparavant réitéré que sa formation, tout en condamnant les propos de Mme Elghawaby, souhaitait d’abord discuter avec elle avant d’exiger sa démission.

La proposition du parti aurait d’ailleurs été acceptée par la principale intéressée, a fait savoir le parti en matinée. Les deux parties seraient maintenant à la recherche d’un lieu et d’une date pour tenir la réunion tant attendue.

Si QS n’a pas voté en faveur de la motion de mardi, c’est parce que les solidaires s’étaient déjà engagés publiquement à rencontrer Mme Elghawaby, a expliqué Manon Massé, l’autre co-porte-parole du parti, dans son point de presse de mercredi matin.

[La CAQ] le savait très bien d’ailleurs, a-t-elle souligné, laissant entendre que la formation de François Legault avait tendu un piège à QS.

Trudeau a un vrai problème, selon Legault

Amira Elghawaby est sur la sellette depuis sa nomination par le gouvernement Trudeau en raison des opinions qu’elle a exprimées et défendues alors qu’elle était militante.

En 2019, elle écrivait par exemple au sujet de la Loi sur la laïcité de l’État, mieux connue comme la loi 21, que la majorité des Québécois [semblaient] influencés non pas par la primauté du droit, mais par un sentiment antimusulman.

La principale intéressée est revenue sur ses propos la semaine dernière, mais son acte de contrition n’a manifestement pas convaincu les membres de l’Assemblée nationale.

Le ministre québécois responsable de la Laïcité et des Relations canadiennes, Jean-François Roberge, a exigé sa démission lundi avant de soumettre la question au Parlement mardi par le biais d’une motion qui a été adoptée à l’unanimité, malgré l’abstention des députés solidaires.

Quand c’est rendu que le Parti libéral du Québec dit au Parti libéral du Canada qu’il devrait changer sa décision [et] qu’il devrait congédier la dame, je pense que M. Trudeau a un vrai problème, a déclaré le premier ministre Legault à son arrivée au Salon bleu mercredi matin, sans offrir d’autres commentaires.

Les opinions divergent à Québec solidaire

Mardi, le député solidaire Haroun Bouazzi a accusé le gouvernement caquiste de vouloir faire diversion avec l’affaire Elghawaby. Manon Massé a toutefois affirmé le contraire, mercredi matin. Je ne pense pas que c’est une diversion, a-t-elle affirmé. Je pense que M. Legault a dit le fond de sa pensée.

Le premier ministre, cela dit, a manqué de sensibilité en exigeant le départ de Mme Elghawaby au lendemain de la commémoration de la tuerie de la Grande mosquée de Québec, selon Mme Massé.

Vous comprendrez qu’on ne vit pas ça tout ça tous de la même façon, a-t-elle répété. C’est un peu la même chose quand les femmes sont tuées : ça vous dérange les gars, mais jamais comme nous, les femmes. […] On se voit toujours comme étant [la prochaine].

La libérale Jennifer Maccarone a par ailleurs fait son mea culpa, mercredi matin, s’excusant d’avoir accusé le gouvernement caquiste de manquer d’humanisme en réclamant la démission de Mme Elghawaby quelques heures avant que sa propre formation n’exige la même chose.

Rabrouée par son chef mardi, la députée de Westmount–Saint-Louis a expliqué en point de presse qu’elle avait agi trop rapidement, trop tôt, sans avoir l’information complète. J’ai fait une erreur, et pour ceci, je suis profondément déçue en moi-même, a-t-elle déclaré.

Elghawaby réitère ses excuses

Pendant ce temps, le débat sur la nomination d’Amira Eghawaby se poursuit également à Ottawa.

La principale intéressée a réitéré ses excuses mercredi midi avant de participer à une rencontre avec le chef bloquiste Yves-François Blanchet à l’invitation de celui-ci.

Je voudrais dire que je suis extrêmement désolé de la façon dont mes propos ont été rapportés et de la façon dont ils ont blessé le peuple québécois, a-t-elle déclaré, en anglais.

« En tant que membre de la communauté musulmane du Canada, nous savons ce que c’est que d’être stéréotypés, a-t-elle poursuivi. Nous savons ce que c’est, que les gens aient des préjugés. Et je comprends que les mots et la façon dont je me suis exprimé ont blessé des gens au Québec. »

— Une citation de  Amira Eghawaby, représentante spéciale de la lutte contre l’islamophobie du gouvernement fédéral

J’ai écouté très attentivement, je vous ai entendu, et je sais ce que vous ressentez, a-t-elle conclu, répétant qu’elle était désolée.

Le premier ministre Trudeau a pour sa part tenté d’abaisser la température du débat public, mercredi, en insistant sur l’histoire du Québec, soumis, avant la Révolution tranquille, à une religion qui ne respectait pas [les] droits et libertés individuelles.

Un tel vécu amène avec lui
une certaine distance, voire une méfiance, à l’égard de la religion, a-t-il rappelé, déplorant que cette vigilance ait été mêlée un petit peu avec cette idée d’intolérance envers les autres.

Or, ce n’est pas ça du tout, a fait valoir M. Trudeau avant de se rendre à la réunion hebdomadaire de son caucus. Les Québécois veulent juste que tout le monde soit libéré et soit complètement libre.

Ça va se résoudre quand les gens raisonnables [auront] une conversation réelle et profonde, a-t-il poursuivi.

« C’est facile de monter aux barricades et de se pointer les uns les autres du doigt, mais ça prend des gens pour expliquer les perspectives, expliquer comment des croyants, de quelques religions que ce soit, peuvent se sentir peinés par cette perspective et cette réalité de la culture québécoise. »

— Une citation de  Justin Trudeau, premier ministre du Canada

De son côté, le chef conservateur Pierre Poilievre a réitéré que Mme Elghawaby n’était pas la bonne personne pour le poste, mercredi.

Nous supportons l’idée de contrer l’islamophobie à travers le pays, mais ce n’est pas en insultant les Québécois, les juifs ou d’autres Canadiens qu’on va réussir à faire ça, a-t-il dit avant de se rendre, lui aussi, à la réunion de son propre caucus.

Le lieutenant québécois de Justin Trudeau, Pablo Rodriguez, rencontrera à son tour la nouvelle conseillère spéciale, jeudi.



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